Salut mes ptits pogoteurs paganistes, aujourd’hui j’men vais vous conter l’incroyab’ histoire de comment j’ai passé mon week-end dernier à mater la téloche. J’me doute bien qu’vous vous en carrez complet, q’vous vous dites « il a pas fini de nous gonfler tous les dimanches avec ces élucubrations sous picon, c’t indien ! » mais ça joue un rôle dans cette mission d’éducation musicale des masses qui m’est tombée dessus un soir de beuverie. J’vous raconterai ça à l’occaz. Serez pas déçus, promis. Je disais donc. Restez focus, voulez-vous ?
J’trainais ma couenne à la casbah, sapé peignoir et doc martens avec la ferme intention de me détendre le lard (pardonnez le vocab’ porcin les amigos végés). En quête de divertissements pas trop orientés remue-méninges, j’opte alors pour le combo canap’ / écran. Un nirvana molletonnée pour ceux qui veulent pas trop s’abîmer la cafetière. Restait plus qu’à choisir le programme. Affalé trop tôt pour tâter des chiffres et des lettres avec le camarade Romejko, je me décide à plonger la tête en avant dans les tréfonds des plateformes de streaming. J’aime plus trop ça ces plateformes. Et vas-y que chaque semaine sort LA nouvelle série immanquable que si tu l’as pas regardé, te v’là étiqueté roi des amish. Comme l’impression d’me faire gaver le ciboulot. On a connu des oies du Gers à qui on a moins bourré le mou. Mais bon, flemme et principes révolutionnaires sont rarement compatibles. Je me suis saisi de la télécommande comme des japonais suicidaires se saisissent d’un sabre; l’arme du déshonneur à la main.
M’demandez pas comment j’ai eu les codes mais me v’là débarqué sur la plateforme à Mickey Mouse. Aux vues des chefs-d’œuvre à disposition, j’suis bien content de pas y filer un denier à la souris. D’la comédie où s’amourache des gens bien beaux et bien friqués, du blockbuster où une ligue de 324 justiciers toutes franchises confondues font équipe pour sauver le monde (feraient bien d’le laisser exploser une fois de temps en temps le monde moi j’dis, ça lui ferait du répit plutôt que de se fader autant de navets) … Et là, naufragée au milieu de cet océan de médiocrité, que vois-je ? Le Grand Danny Boyle qui signe une série sur l’histoire des Sex Pistols. Le gonze qu’a pondu le plus grand film de tous les temps sur la drogue qui s’attaque aux Mozarts du Punk ! Rien que ça. Et le tout sur la plateforme où batifole Donald Duck le croupion à l’air. L’époque n’est plus à un paradoxe près me disais-je alors.
Où je veux en venir ? Ça vient, ça vient. Laissez sa chance au produit. On n’est pas partis pour une critique cinématographique, pour ça vous demanderez à Télérama. Disons juste brièvement que sur la forme, mon Danny a fait du classique : images d’archives, bande-son d’époque aux p’tits oignons, un découpage en chapitres assez logiques pour retracer le parcours des Pistols. On peut pas dire que ça ait le grain de folie qui faisait le charme de Trainspotting, c’est net.
Mais faut dire qu’avec un sujet pareil, le fond s’occupe de prendre le relais de la forme pour éclabousser niveau foldingueries. Et c’est bien pour ça que j’tiens le crachoir aujourd’hui : pour vous exprimer à quel point le destin de ces bras cassés semble si anachronique à notre époque. On y voit des ptites frappes insulter à peu près chaque personne dépassant les 25 balais, se trimballer dans les rues de Londres brassard nazi bien en évidence, injurier le Jean-Pierre Foucault local en plein direct, le Sid Vicious (alors en plein sevrage forcé) se taillader le poitrail pour y inscire « I need a fix » et se faire refiler de la came par ses groupies … Je dis pas que c’est du goût le plus raffiné mais concédons qu’à l’époque ils savaient encore y faire niveau provoc’. Certes, on s’effarouchait pour un juron à la télé. L’audiovisuel moderne n’est plus à ça près. C’est plus la vulgarité qui choque, elle serait même vendeuse la garce. Par contre, on a l’émotion facile ces jours-ci. Une virgule mal placée et c’est le lynchage public. On vient chercher les carabistouilles là où y a pas lieu d’être. Ce qui amène forcément à se poser deux, trois questions après visionnage. Qu’est-ce qui serait advenu de nos Pistols aujourd’hui ? La relève a-t-elle été assurée ? Et surtout, quand c’est la dernière fois que le rock’n’roll a effrayé qui que ce soit ?
Sûr que le punk aujourd’hui n’a plus la force de frappe qui fut la sienne. Le gaillard a été récupéré, ça a pas fait tripette. Zont en même fait une expo en grande pompe à la National Library en 2017. Quand l’institution sanctuarise ceux qui ont failli la balayer quarante piges auparavant. Un comble. Y a bien eu des protestations. Le rejeton McLaren qui décide de brûler pour cinq millions d’euros d’archives de son père. Sûr que ça aurait ravi du collectionneur mais il a préféré une grande messe incendiaire sur un bateau pour rappeler que le nihilisme était pas tout à fait encore caboté. Suffisant pour faire trembler les miches conservatrices? Pas dit. Pour choquer la ménagère et inquiéter le bourgeois, faudra se tourner désormais vers le hip-hop. Pas un hasard qu’il ait été brièvement surnommé « le punk noir » aux origines. Certains rappeurs ont depuis vendu leur âme évidemment mais d’autres se sont bien appliqués à reprendre le flambeau de menace musicale number one.
Alors, 77, la dernière fois que le rock a été un brin dangereux ? Ptêtre bien. Ceux-là même qu’étaient à deux doigts de foutre en l’air le système y a quarante-cinq piges sont depuis bien rentrés dans le rang. On préfère taire les prises de positions récentes du Johnny Rotten … Pis comment voulez-vous écrire la révolution au présent quand tout le monde regarde dans le rétro ? J’en ai écumé des sites rock qui passent leur temps à déblatérer des « Bidule aurait eu 95 ans cette année » ou autres « on souhaite un joyeux soixante-dixième anniversaire à Machin ». Certains ornent même leur website façon muret du cimetière du bled local avec des rubriques « condoléances ». La gérontophilie, passe encore. Mais la nécro … Pas très punk tout cette histoire Comment voulez-vous faire bander la jeunesse avec ça ? Pas étonnant qu’elle se soit barrée à Dubaï la jeunesse.
Pourtant pas ce qui manque les fanfares punk de qualité de nos jours. Slaves, Turnstile, Viagra Boys, Downtown Boys en ont sous le capot. Avec des propos pas moins enragés qu’à l’époque en plus. Moi, il me semble bien qu’elle en a des choses à dire la relève. La révolte bien placée, moins dans la provoc’. Ça a donné quoi la provoc’ de toute façon ? Manson a brûlé des bibles, ça a pas empêché la manif pour tous. S’agirait de s’intéresser aux groupes d’aujourd’hui qu’ont bien senti l’air du temps, les laisser nous informer sur ce qui les fait tiquer. On se débarrasserait ptêtre de deux, trois relents nauséabonds du passé pour faire place à des visions de société plus chouettos. Parce qu’être punk c’est pas juste réciter ses Damned et siroter de la 8.6. C’est aussi tout péter et reconstruire. Et à mon avis, suffirait de tendre l’oreille sur ce qui se passe en punk 2.0 pour lancer les travaux.
Bon, j’vais vous lâcher la grappe avec mes digressions télévisuelles. J’conclurai juste avec une ch’tiote punchline piochée dans cette série pistolesque, histoire que vous paniez bien l’urgence de réhabiliter les groupes prêts à bousculer l’establishment :
« We’re not into music, we’re into chaos »
Pas mal, hein ? Sur ce, jm’arrache. Ça va être l’heure de Des chiffres et des Lettres.

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