Chants de gorge, vikings et chamanisme. L’Interrockatoire du jour se serait-il déroulé au pied d’un fjord norvégien? Que nenni! Rendez-vous était pris aux Passagers du Zinc, troquet hautement rock’n’roll de Besançon, avec le quatuor Askemåne peu avant la Release Party de leur premier album Gravitasjon. Les disciples français de Heilung et Wardruna se sont confiés sur les origines du groupe et leurs quêtes à venir. La saga peut débuter.
Comment se sent-on deux heures avant sa première release party?
Liv’: super impatients, super contents et re-super impatients derrière.
Asufelt: beaucoup d’excitation dans les rangs!
Première question sur vos origines: comment s’est formé le groupe? Autour d’une pinte à Besançon ou lors d’un rite chamanique en Scandinavie?
Ølrendyr: (rires) alors, tout est parti d’une story instagram. Je suis allé en Bretagne pour des vacances où j’ai fait du chant guttural dans une anciene abbaye abandonnée. J’ai posté une vidéo sur les réseaux et François est tombé dessus. On se connaissait déjà depuis un petit moment et il m’a dit « waoh, il faut qu’on fasse un truc ». Je suis rentré et on s’y est mis.
Liv’: moi, j’ai fait un rite chamanique pour trouver le bonheur et ils sont arrivés! (rires). Ça fonctionne plutôt bien.
Et entre cette fameuse vidéo et la release party de ce soir, il y a eu l’enregistrement de l’album Gravitasjon?
Asufelt: on a commencé en 2021 et on s’est lancés directement dans une année de compositions. Sophie est arrivée en 2022 et Léo en 2023, pour étoffer au niveau des voix et des percussions, pour donner une autre ampleur à notre son. On était assez excités, on enregistrait quelques titres et on les sortait dans la foulée. Puis, Guillaume Schappacher du studio Gravity Sound Prod avec qui on a bossé nous a conseillé d’avoir un peu plus de matière. Avis que je suis ravi d’avoir suivi parce que ça nous a permis de séquencer de manière optimale l’aspect création / enregistrement / sortie, d’avoir des sorties de singles plus rapprochées pour maintenir une certainye hype et d’éviter de laisser trop de temps s’écouler entre deux sorties. Ça a permis une sortie d’album assez naturelle et cohérente.
Liv’: et puis avec le studio, il y avait aussi un peu ce défi « si vous arrivez à sortir un album rapidement, on vous aide à la production » mais ils ne pensaient certainement pas que François allait arriver aussi vite avec autant de titres (rires). On a pris le temps de rajouter des voix et des sonorités nouvelles pour nous. On a échelonné l’enregistrement sur une année en ayant à coordonner tous les emplois du temps; une gestation un peu longue mais qui ne fait qu’amplifier l’impatience.
Comment on tombe dans cet univers néo-dark folk tendance vikingo-chamanique? C’est quoi les références?
Ølrendyr: Je suis pas mal branché jeux vidéos et on y retrouve souvent les codes de ce genre de musique. Alors, la première fois que j’ai écouté Heilung, ça a pris direct!
Asufelt: moi, j’avais déjà flirté dans mes explorations musicales avec ce côté chamanique, les chants de gorge … et puis, après avoir bouffé un paquet d’écoutes de Wardruna, je me suis dit « il y a un truc à faire », ça a été un déclencheur.
Liv’: moi, ça serait Danheim qui m’a converti et convaincu d’apprendre le norvégien. C’est un peu notre objectif. Ça et apprendre à piloter notre propre avion comme Bruce Dickinson.
On se demande presque ce qui sera le plus difficile des deux! Parlons des textes maintenant: qui a fait norvégien LV2 dans la bande?
Asufelt: (rires) Personne.Pour la correction des textes, on s’est fait aider par des norvégiens pour avoir quelque chose de bien propre. Et pour la prononciation, pour l’instant, on s’appuie sur Google Trad (rires). On ne prend pas encore de cours particuliers. Je me dis que c’est pardonnable dans la mesure où on est français, on a notre accent, on fait de notre mieux pour nous adapter mais aussi que, quelquepart, dans une certaine expression artistique, ça peut avoir son identité. On a toute la vie devant nous pour faire progresser cet aspect.
Liv’: on fait juste attention à ce que ça ne ressemble pas aux petites japonaises sur les réseaux qui essaient de chanter du Édith Piaf en phonétique et où tu ne comprends même pas ce qu’elles racontent.
Ølrendyr: ça se trouve, c’est le cas (rires).
Asufelt: il faut juste se débrouiller pour ne jamais se faire programmer en Norvège pour pas se faire engueuler (rires).
Sur le titre Askeregn , il y a un interlude en français. Ce style musical, il serait possible en français ou il est intrinsèquement lié aux langues nordiques?
Ølrendyr: nos références musicales dans ce style elles sont en langues scandinaves, ça serait plus compliqué de rentrer dedans avec du français.
Asufelt: je ne me verrais pas chanter dans ce style en français sauf dans les passages parlés, pour l’aspect cinématographique. Mais c’est vrai qu’on ressent ça depuis notre prisme français. Peut-être que cela serait méga éxotique pour un scandinave.
Liv’: c’est surtout une question de feeling, ces langues ont des sonorités qui rappellent la nature et se prêtent à la contemplation. Et ça se retrouve dans les thématiques de nos paroles qui traitent d’astronomie, de spiritualité, de célébration du féminin, du Ragnarök …
Est-ce que le fait d’être franc-comtois accentue ce rapport à la nature? Les paysages de la région seraient-ils propices au néo-dark folk?
Liv’: déjà, on a le même climat qu’en Norvège (rires) et des paysages qui ont des airs finlandais. Et puis il y a une certaine façon d’être des gens qui habitent dans le froid, une bonne humeur qui ne se base pas sur le soleil.
Ølrendyr: il ne manque que les aurores boréales … et encore on y vient! On a tourné le clip de Dyaul dans la Vallée de la Loue. Il a fallu crahaputer dans la boue jusqu’à la grotte, l’accès était compliqué avec pas mal de dénivelé mais ça correspondait exactement à nos attentes en terme d’images. Raphael Klein, qui a produit le clip, a une vraie sensibilité à notre musique et il a eu toutes ces idées de cut, de changements de plans, de slowmotion sur la fumée, sur les gouttes et sur les lumières. Il a su optimiser le lieu à 200%. Il a compris ce regard sur la nature qu’on voulait avoir. On est super contents de son travail et on espère que ça sera suivi d’un nouveau clip.
Justement, après cette release, quels sont les plans?
Asufelt: l’envie c’est de repartir assez vite sur un nouveau travail de composition et de sortir un nouvel album.
Honningrukke: t’enverras quand mêmes les morceaux qu’on soit au courant (rires).
Asufelt: non, ça serait confidentiel jusqu’à la veille du live, comme Astier avec ses scénarios.
Ølrendyr: on prévoit de bosser la scénographie pour proposer un truc encore plus immersif, les costumes, les visuels, pour habiller des plus grandes scènes. Et refaire quelques concerts. Avec nos compères de Towarb qui jouent avec nous ce soir, on se rendra en Alsace pour jouer dans une mine. À 6 degrés, en pleine humidité, ça justifiera les peaux de bête (rires). Quelques dates à Besançon cet été et idéalement en dehors de Bourgogne Franche-Comté en 2025.
Liv’: dans le coin, on a eu des bons retours après nos lives. Le compliment qui m’a le plus touché, c’est qu’on avait réussi à tolkieniser le public. Malgré nos ambiances de mythes et d’introspection qui pourraient nous attirer un public de niche, on arrive à atteindre un public très large. On peut jouer un peu partout: dans des fêtes médiévales, des lieux plus électros ou des festivals métal. On a déjà donné un concert dans une yourte et on aimerait viser des lieux historiques, des églises désacralisées.
Pour finir, on doit vous avouer qu’on espère bien interviewer Heilung aux Eurocks en juillet. Si jamais on y arrive, vous avez un petit message à leur faire passer?
Ølrendyr: déjà, merci pour l’inspiration! Sans vous, on ne serait pas ce qu’on est aujourd’hui, clairement.
Liv’: Et si jamais vous voulez faire notre première partie …
Si tu veux monter dans le drakkar Askemane, n’oublie pas de liker leur page.
Et si tu veux que les Interrockations continuent à te dégoter la crème du rock de Franche-Comté, de Norvège et d’ailleurs, même tarif.

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