9 – Quel vote pour le Peuple Rock ?

Salut le Peuple Rock,

Si je t’ai convoqué ici, tu t’en doutes, c’est que l’heure est grave. Ne nous mentons pas, les temps ont été rudes ces derniers mois : décès de Shane MacGowan, arrêt de Des Chiffres et des Lettres, fascisme à nos portes. Les mauvaises nouvelles ont été légion. Et même si ce n’est pas l’envie qui me manque de déblatérer pendant des heures sur l’injuste mise à l’écart de Laurent Romejko, c’est bien du dernier point sus-listé que l’on va discuter aujourd’hui … . Le bruit des bottes donc. Et pas l’extatique fracas de cinquante paires de Docs de keupons martelant le sol lors d’un pogo. Non. Des bottes du genre à schlinguer bien craignos. Celles qui daubent à plus de 30 % à l’échelle nationale. Un électeur sur 3. Représente-toi : c’est l’équivalent d’un membre sur 3 d’un Power Trio qui virerait facho. Dans Them Crooked Vultures par exemple, qui de Dave Grohl, John Paul Jones ou Josh Homme ferait son coming out réac’ ? J’ai bien mon idée sur la question. N’empêche que si c’est un coup à te flinguer l’ambiance au sein d’un groupe, imagine la morosité au sein de l’Hexagone.

Comment en est-on arrivés là ? À quel(s) moment(s) le scénar’ est-il parti en sucette ? C’est pas faute de les avoir chantés la révolution, le Grand Soir, la société nouvelle, le Temps des Cerises, l’heure des jours heureux et j’en passe et des meilleurs. Entre le Père Dylan qui pousse la chansonnette depuis soixante piges et IDLES qui reprend le flambeau revendicatif aujourd’hui, il y en a des troubadours anarcho-hippies-wokistes. On en a composé en-veux-tu-en-voilà des chansons censées servir de bande-son à un monde plus juste et tolérant. Et ben non ! Qu’est-ce qui résonne à plein volume dans les pseudo-ciboulots franchouillards, un medley surannée du vieux Sardou ! Les Colonies, le Connemara, la Peine de Mort et tout le toutim ! Bien la peine d’avoir The Clash, Rage Against The Machine et les Dead Kennedys de son côté pour devoir se fader l’accordéon victorieux des réacs ! Les gars ont pas un seul étendard musical derrière lequel se rallier et pourtant c’est leurs refrains rances qu’on entend sur toutes les ondes ! Alors quoi ? Nous, on a les hymnes, les festoches et la culture et on n’est pas foutus de gagner la bataille des idées, c’est quoi ce bordel ?

Alors certes, la résistance s’organise. Les gauches s’unissent, la culture se mobilise et les Bérus rugissent de nouveau sur les réseaux sociaux. Insta et Tik Tok qui se prennent à fredonner La Jeunesse emmerde le Front National. Porcherie, futur tube de l’été ? Aussi surprenant que réjouissant. Mais tout cela est-il bien suffisant ? Et bien réaliste ? On le sait désormais, la jeunesse ne l’emmerde plus trop le FN, elle aurait même tendance à lui réserver toutes ses gâteries, la friponne. S’agirait donc de la reconquérir à grands coups de refrains ré-actualisés. Voire même couplés à de l’initiative concrète. Se contenter de beugler Cayenne de Parabellum une 8.6 à la main à chaque fin de soirée ne va peut-être plus suffire ! Prière de nous envoyer vos idées d’actions au 3615 Interrockations.

Bon, il serait injuste de ne blâmer que la jeunesse pour ce merdier ambiant. La vieillesse y est allée aussi de son bulletin marronnasse. Et même de la vieillesse qu’on pensait pourtant rock’n’roll ! Oui, j’accuse ! À force de traîner ma couenne numérique dans les tréfonds d’internet, j’en ai vu des commentaires cradingues de la part de certains qui semblent pourtant ériger le punk et le hard rock en valeurs suprêmes. De vieux roublards qui éructent « rock’n’roll » pour se la jouer rebelles de façade mais qui vomissent les mêmes propos conservateurs que la clique lepeniste, qui scandent « Je suis punk, j’emmerde la politique » mais qui sont in fine quand même plus proches de Skrewdriver que de Crass. Le rock facho s’assumerait-il ? Bowie période over-cocaïné et un Clapton en roue libre ont déjà tenté le coup dans les seventies. Qui s’en souvient ? On ne m’ôtera toutefois pas de l’idée que rabâcher à longueur de temps « le rock, c’était mieux avant » ne déteint pas un tantinet sur sa vision de la société. La nostalgie rance, on sait ce que ça écoute, on se doute bien de ce que ça vote.

Certains se défendront en disant que ce n’est que de la musique et que celle-ci doit rester apolitique. Si vous vous interrockez encore sur mon avis là-dessus, faites-donc un tour sur la chronique dédiée à ce sujet. Quoiqu’il en soit, à l’heure où l’extrême droite prend un peu trop ses aises, l’apolitisme n’est plus une option. Dans le rock, ni ailleurs. Alors, que chacun y aille de son initiative : concerts de soutien, chroniques antifas, qu’importe ! À nous de réinjecter dans le rock ce qui en a fait sa glorieuse essence : anti-establishment, anti-capitalisme, anti-racisme, etc. À nous de prouver que le rock n’est pas devenu un repaire de vieux réac’. À nous de faire rimer New Order avec New Front Populaire. À nous, dans les prochaines semaines, de faire vivre la voix des Bérus et faire taire celle du RN.

Car, souviens-toi, Peuple Rock,

It’s NOT Only Rock’n’Roll

(but I Like It).

« Non mais la gauche, la droite, on connaît alors que les Interrockations on n’a jamais essayé! »

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