L’info n’aura échappé à personne ; Oasis est de retour. Des retrouvailles fraternelles qui agitent les internets et soulèvent par la même occasion tout un tas d’interrockations : les groupes séparés devraient ils le rester ? Les reformations finissent-elles mal en général ? Les ventes de parkas vont-elles connaître un nouvel essor ? À quand la reformation d’un gouvernement de gauche ? Les gloires passées sont-elles l’avenir du rock ? Pour à peu près trancher tous ces débats, nous avons fait appel à nos deux plus fins analystes Mister Pour et Docteur Contre afin de s’écharper sur le sujet. Ici, c’est noir ou blanc, oui ou non. Pas de place pour le definitely maybe.
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Contre
Qu’on se le dise une bonne fois pour toute ; reformation = piège à cons. Un point c’est tout. Et cela vaut pour n’importe quel groupe, hein. Pas seulement pour les Shirley et Dino mancuniens qui agitent l’actualité en ce moment. Il faut dire que dans la catégorie « come-back attendu fiévreusement », celui des frangins Gallagher se pose là et pourrait même dépasser (au moins Outre-Manche) celui d’un célèbre messie à barbiche. Mais à quoi bon tout cela ? A-t-on jamais assisté dans l’Histoire à des retours glorieux ? Napoléon après l’île d’Elbe ? Un flop. Quand Renaud s’est reformé avec ses cordes vocales ? Navrant. Les tentatives de Manuel Valls ? On préfère ne pas salir notre clavier. Et puis, regardez Ben Affleck et Jennifer Lopez ; aussitôt remariés, aussitôt divorcés. Non, vraiment, jouer avec les émotions des fans pour si peu, ce n’est pas déontologique. Et dans le rock non plus, les reformations n’ont jamais rien apporté à l’humanité. Au mieux pas désagréables comme peuvent l’être celles (régulières) des Pixies mais c’est bien là le summum. Elles sont pourtant légions ces reformations. De gloires passées toutes générations confondues, des 60’s aux 2000’s, des Who aux Libertines. Dieu bénisse les macchabées, il n’y a bien que quand un membre du groupe a cané depuis belle lurette qu’on nous épargne la mascarade, et encore ! Pas une semaine sans qu’on nous refasse le coup des retrouvailles passionnées ! La ficelle est grosse mais nous ne sommes pas dupes ! On tient là l’équivalent musical de se faire refourguer un énième blockbuster d’une franchise éculée, un Fast and Furious 59 à guitares en somme ! Mais bon diou de bon diou, on veut du neuf ! Du scénario original ! De l’acteur galbé dans la sexyness de sa vingtaine et pas de la vieille rock star décrépie en descente de coke depuis bientôt trente piges ! Certes, c’est cette même coke qu’il s’agit de rembourser et qui justifie ces tournées aux tarifs ressemblant fortement à de l’extorsion de fonds. Mais après tout, si les fans sont prêts à débourser de telles sommes pour soigner leur mélancolite aiguë, pourquoi ne pas les aider ? Il n’empêche que dans le cas d’Oasis, le prix à payer ne sera pas que pécuniaire. Cette reformation est une boîte de Pandore d’où s’échappent déjà de terribles créatures (les vannes surannées sur Carlos ou Tropico) et d’où pourraient surgir des démons encore bien plus terrifiants (le chanteur Grégoire qui reviendrait miauler Don’t Look Back in Anger dans un hall de gare). Alors Messieurs Gallagher, écoutez donc ceux qui clament que votre séparation en 2009 était votre plus beau tube, un départ à la retraite sublime, l’équivalent rock’n’rollesque du coup de boule de Zizou et laissez les choses en l’état. Car assurément, le rock ne peut pas accueillir toute la nostalgie du monde.
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Pour
28.08.2009. Un jeune homme s’élance vers la capitale.
Un pèlerinage rock comme d’autres s’en vont traquer le spirituel à Katmandou. Le mental du samouraï. La ferveur de la groupie. Concrétiser en un live expiatoire son premier crush musical adolescent. Voir Oasis et mourir. Tel était mon état d’esprit avant que la nouvelle fatidique ne s’abatte sur Rock en Seine. Il fallut encaisser le coup. Devoir se fader Madness une deuxième fois dans la journée. Danser le One Step Beyond le plus malheureux de l’histoire des One Step Beyond. Repartir. Assimiler ce qu’est le rock’n’roll, ses frasques et ses incontrôlés. Mais céder à la haine ? Jamais. Aux frères Gallagher, j’ai tout pardonné … comme je m’apprête à le faire à nouveau dans cette sombre histoire de reformation. Car à ses teenage idols, on se doit de tout excuser : la sincérité des retrouvailles, la tournée dantesque à venir, l’outrageous prix des billets qui fait déjà scandale Outre-Manche … qu’importe ! Liam, Noel, pour vous je ferai péter mon bilan carbone et sacrifierai mon prêt immobilier sur 25 ans. J’oublierai ces talentueux petits groupes underground émergents pour me vautrer dans la nostalgie la plus crasse. Je renierai tous mes principes gauchistes pour céder aux sirènes du rock business. Vendez-moi du mug, du t-shirt, du sac à aspirateur customisé ou que ne sais-je encore ! Laissez-moi clamer que la reformation est le plus beau concept du monde, du pardon chrétien mis à la portée des caniches comme dirait l’autre. Oui, pour Oasis, je ferais tout ça. Car Oasis, c’est l’Angleterre triomphante, la working class victorieuse. Le dernier groupe planétaire. Celui qui clôt le chapitre du classic rock. Après Oasis, les masses se dirigent vers l’électro et le rap. Le rock devient résistance. Vivant, furieux mais condamné à l’obscurité. Pour tout cela, les honneurs du come-back sont mérités. Les seules retrouvailles qui vaillent. Cessez donc de nous tanner avec le retour des Smiths ou je ne sais quels autres petits-bourgeois ; rien n’égalera la résurrection gallagherienne. Ce que le peuple veut, c’est savourer du Champagne Supernova, incarner les Rock’n’Roll Star d’un soir, tutoyer l’éternel le temps d’un Live Forever. Ça, les fuckin’ frérots l’ont bien compris. « The guns have fallen silent. The stars have aligned. The great wait is over. Come see. It will not be televised ». Il ne faudra pas nous le dire deux fois.
25.08.2025. Un homme s’élance vers la capitale anglaise.

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