We Hate You Please Die est récemment passé de quatuor à trio. Soit l’inverse des Trois Mousquetaires. Pourtant, de ces moustachus en capes, le groupe rouennais a su conserver un esprit d’unité et de solidarité à toute épreuve. Des valeurs qui transpirent dans Chamber Song, troisième album infusé à la rage riot-grrrlesque. On avait quelques questions à soumettre à Chloé, Mathilde et Joseph avant que leurs nouveaux bangers ne viennent secouer les scènes rock de France. Un entretien à ne pas faire lire à ton oncle fan de Cnews … ou peut-être bien que si, finalement.
Salut We Hate You Please Die, on vous quittait il y a trois ans sur l’album et le titre Can’t wait to be fine. À quelques jours de la sortie de votre nouvel opus, vous sentez-vous enfin fine ?
Salut, oui ça va bien, merci ! Avant une sortie on se sent toujours surexcité.e.s et plein.e.s d’impatience. A la différence de la sortie de notre 2e album (juin 2021), là il n’y a plus le covid en travers de la route, ce qui nous avait énormément frustré notamment sur la partie tournée.
L’album répond au doux nom de Chamber Song et s’accompagne d’un artwork très intimiste. Derrière ces 12 brûlots punk se cacherait donc votre album le plus personnel ?
On trouvait ça marrant de marquer un contraste entre l’identité de l’album (sa pochette et son nom) et la musique qui le compose. Tous les titres étaient déjà bouclés et enregistrés, et l’idée du nom “Chamber Songs” est venue bien après, au printemps 2024 au moment de tout finaliser. On a cherché un nom qui pourrait lier tout le contenu de l’album et en faire une seule entité, et le concept de la chambre nous est venu, les chansons étant comme des pages qui s’enchaînent dans un journal intime, comme des histoires qui se retrouvent à voir le jour alors que c’était pas vraiment prévu. Du coup oui c’est un album personnel dans le sens ou les textes sont des histoires vécues, qui sortent de la tête pour devenir des chansons
À l’écoute de vos nouveaux titres, je me suis dit que votre son avait perdu en insouciance foutraque ce qu’il avait gagné en frontalité et en nervosité. Est-ce que vous avez ressenti comme un besoin de durcir le ton ? Comme la protagoniste de votre clip « Stronger Than Ever », une envie de tout cramer ?
En effet on s’est dit qu’on avait un besoin d’aller d’avantage à l’essentiel dans nos morceaux. Globalement il y a moins d’interludes un peu légères, et les morceaux sont plus énervés. En terme de son, on a aussi cherché à aller vers quelque chose d’un peu plus bruitiste dans la production. Ce clip (réalisé par Alexis Magand, merci Alexis!) symbolise assez bien ce qu’on a ressenti en faisant cet album, un besoin de s’affirmer au mieux nous même, sans se soucier de ce qu’en diront les gens, et en prenant un maximum de kiff.
Féminisme, droit à l’avortement, sororité. Cet album se veut encore plus engagé et politisé que les précédents. Ce changement de lead singer était aussi l’occasion de réaffirmer votre engagement politique ?
Le fait que Chloe écrive maintenant toutes les paroles change évidemment un peu le ton de ce qui est raconté, car elle parle de choses qui la concernent, qu’elle a vécu ou vit en tant que femme. Le but n’est pas d’affirmer ou de réaffirmer quoi que ce soit, c’est surtout de parler de choses qui sont importantes, d’en extérioriser certaines, mais aussi parfois tout simplement de raconter des histoires plus personnelles.
D’ailleurs, quel regard portez-vous sur l’engagement politique de la scène rock française actuelle ? Passable, peut mieux faire ou félicitations ? Quelle place pour les groupes rock dans ce bordel politique ambiant ?
Peut mieux faire sans doute, même si depuis quelques mois ou quelques années il y a clairement de plus en plus de gens qui prennent des positions ou prennent la parole sur des sujets politiques, et ce publiquement, notamment sur la Palestine, l’Ukraine, la montée du RN en France et de l’extrême droite un peu partout dans le monde. Mais nous les premier.e.s, on en parlait pas plus que ça en public, mais on s’est rendu compte que c’était nécessaire. Car tout est lié évidemment, et c’est en en parlant que des débats et des prises de conscience peuvent avoir lieu. Et si certaines personnes estiment que ça n’a pas sa place dans la musique, un concert ou sur les réseaux sociaux, elles sont aussi libres de partir.
Dans Sorority, vous scandez « We are stronger if we are together ». L’action collective, ça reste la solution ?
On a toujours entendu le terme fraternité, la solidarité entre hommes, mais il n’y avait pas vraiment d’équivalent pour les femmes. Le terme sororité est plus récent et il était nécessaire. On a eu envie dans ce titre de dire aux femmes d’arrêter de se tirer mutuellement dans les pattes, et de s’entraider, car en effet on pense sincèrement que l’action collective et le féminisme nous amèneront vers un avenir meilleur.
Quelques années après le lancement de Go Girls (ou de More Women On Stage), est-ce qu’il est déjà possible de tirer un premier bilan de ces initiatives ? Avez-vous déjà entrevu quelques changements ?
Ces initiatives sont très importantes car elles permettent de mettre un petit coup de pied dans le monde de la musique pour que les choses bougent. Les femmes, les personnes trans et non binaires sont plus visibles et du coup ça en amène d’autres qui se disent “moi aussi je peux le faire” et qui se lancent. On a espoir que les nouvelles générations amènent encore plus d’ouverture d’esprit pour virer une bonne fois pour toutes ces vieilles mentalités machos à l’ancienne, surtout dans le rock.
Vous avez débuté votre tournée fin août. Comment appréhendez-vous ces live entre nouvelle configuration et anciens titres ? Et ready à se frotter au public british ?
Cela fait déjà un an et demi qu’on est 3 sur scène, donc clairement ce début de tournée 2024 se passe assez naturellement. On a déjà fait une cinquantaine de concerts depuis début 2023, et dès ce moment-là on a fait le choix de ne pas réinterpréter de titres des précédents albums, et de se concentrer uniquement sur des nouvelles créations, avec lesquelles on se sentirait plus en phase. Et on ne regrette pas ! Quelquefois après les concerts des gens nous disent qu’ils auraient aimé entendre tel ou tel titre, mais en leur expliquant ils comprennent bien qu’on préfère largement se concentrer sur de la nouveauté.
On a carrément hâte de démarrer la tournée UK ! On y est encore jamais allé.e.s, mais on s’est déjà “confronté” à des publics étrangers (Canada, Suisse, Belgique, Autriche) donc ça ne nous effraie pas non plus.
En parlant de british, l’actualité nous oblige à vous le demander. Que pensez-vous du retour d’Oasis ?
C’est amusant de voir que des gens lancent déjà des paris sur la date de la prochaine re-séparation. Si ils ont envie de rejouer, qu’ils le fassent ! Par contre il y a comme un sentiment de déjà vu avec les prix des billets qui s’envolent au fur et à mesure que les promoteurs des concerts spéculent. Ils savent que ce sera complet à chaque fois, donc ils peuvent choisir le prix qu’ils veulent. Ça rappelle la reformation de Rage Against The Machine il y a quelques années : il y a quand même un sacré décalage entre ce que défendent les paroles et l’inaccessibilité du prix des billets.
Rock’n’Folk vous citait cette année dans sa liste des 50 groupes de rock français à suivre. Consécration rockologique ou titrailles sans importance ?
En vrai c’est un honneur d’y être cité, surtout aussi bien entouré.e.s ! De là à parler de consécration, on ne sait pas trop, mais en tout cas ça fait toujours plaisir. Les articles et les “top” ont toujours des titres assez extrapolés c’est marrant, il faut réussir à relativiser ça, car le but de ces articles c’est surtout de faire découvrir des groupes et artistes à des gens qui pourraient les aimer, mais pas d’élire le nouveau meilleur groupe du monde ou de définir la nouvelle capitale du rock. Ou encore de savoir si oui ou non, le rock est mort.
Aux origines de votre blaze, une citation extraite de la BD Scott Pilgrim. Là, tout de suite, maintenant, à qui pensez-vous en prononçant « We Hate You Please Die » ?
Comme dans la BD, au type archi lourd sur le balcon qui pourrit la vie à tout le monde. Derrière cette image là tu peux y mettre qui tu veux : les réacs, fachos, les gens qui pensent avant tout à eux et à leur argent, les gens qui harcèlent, qui violent, qui font des blagues “juste pour rire” sur des trucs pas marrants, les gens qui s’en foutent des élections et qui mettent un premier ministre ouvertement xénophobe et homophobe, bref pas mal de gens.
Derrière ce blaze « véhément », il n’y a que de la haine ou se cache un peu de love ?
Cette scène du film est quand même assez comique en vrai, du coup évidemment il y a un côté ironique et exagéré. A côté de la haine c’est surtout une façon de se lâcher, de se défouler, et puis ça reste de la musique donc le but c’est de danser avec des gens et de créer des chansons qui nous font kiffer, donc il y a quand même du love.
Et pour finir, c’est quoi votre plus gros point commun avec Scott Pilgrim ?
Sans doute le fait d’habiter dans une ville froide et pluvieuse, même si on est clairement pas sur le même niveau en terme de température entre Toronto et Rouen. D’ailleurs on a joué à Toronto l’année dernière, mais on l’a pas croisé malheureusement !
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Et pour plus de riot-interrrockatoires, ça se follow ici.

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