Pas encore remis de nos dernières escarmouches métaphysiques sur le Air Guitar et sur les reformations dans le rock ? Qu’importe ! Il est l’heure de remettre le couvert pour l’ultime clash d’idées de cette Saison 2 des Interrockations. Une fois encore, notre rédaction composée d’un seul journaliste s’est écharpée sur un sujet donné dans un débat aussi houleux que schizophrénique et se vautrant dans un manichéisme aussi crasseux qu’un plateau d’experts sur C8. Alors, pour ou contre ces groupes qui consacrent leur vie à reprendre l’œuvre de leur artiste favori ? Anatomie d’un tribute, c’est parti.
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Contre
Pour les cover bands, on n’avait rien dit ! Une setlist tapant à tous les râteliers pour n’en tirer que des bangers, après tout, pourquoi pas ? Mais là, les tribute ! A-t-on déjà repoussé plus loin les limites de la contre-façon nostalgique ? Se consacrer à la reproduction de l’œuvre d’un seul et même artiste, en voilà un projet qui combine tristement la monotonie de la monogamie à l’annihilation de toute velléité créatrice propre. Copier plutôt qu’inventer, la funeste idée ! Est-ce que nous, aux Interrockations, on s’amuse à recopier scrupuleusement nos chroniques favorites de Philippe Manoeuvre et de Lester Bangs, hein ? Non ! Parce que nous préférerons toujours nous voir asséner un « grand dieu que cette chronique est médiocre, on n’a jamais lu telle bouse ailleurs ! » à un « Oh, dis-donc, qu’est-ce qu’ils recopient bien mot pour mot les textes des autres ! ». The original shit, comme on dit. Le mal, il faut le reconnaître, n’est pas inhérent à ces groupes. L’ère est aux remakes, préquels, sequels, reboots ; la facilité et la rentabilité immédiate en ligne de mire ! Pourquoi risquer l’échec avec une formule inédite lorsque l’on peut réussir à tous les coups avec une recette ayant fait ses preuves ? Mais ce n’est pas parce que vous avez échoué avec vos cinquante-trois groupes précédents qu’il faut vous résigner à rejoindre un tribute band ! Il n’y a pas de fatalité ! Tenez, ce n’est pas parce que vous êtes petit, laid et mégalomaniaque que vous devez vous décider à incarner Bono dans un groupe hommage à U2 ; d’autres opportunités peuvent encore s’ouvrir à vous (comme un poste de ministre de l’intérieur par exemple). Et n’allez surtout pas croire que la pilule passera plus facilement en tentant de vous grimer comme le groupe d’origine ; le costume étant le stade ultime de cette pathologie. Ce n’est pas parce que vous enfilez un marcel blanc que vous voilà doté du charisme de Freddie Mercury. Certaines frusques ne sont pas taillées pour le commun des mortels, voilà tout. Songez au spectacle pathétique de ces petits cinquantenaires bedonnants se croyant sosies de Johnny simplement car il se sont teints le bouc en blond. Cela vaut pour toutes les autres rock stars. N’est pas sexy comme Robert Plant qui veut ! Alors, concluons simplement en EXIGEANT de vous d’arrêter de cautionner cet équivalent musical du Puy du Fou et de vous rendre complices de ce racket organisé de la nostalgie et allez-donc plutôt soutenir les groupes émergents d’aujourd’hui, ceux qui continuent à fiévreusement et authentiquement écrire la grande histoire du rock. Ceux-là mêmes qui inspireront les foutus tribute bands de demain !

Pour
Les tribute bands, c’est des passeurs de culture, les gardiens du temple ! Des fans purs et durs qui propagent amoureusement la Sainte Parole rock’n’rollesque à travers le royaume. Alors, tu serais bien avisé de leur témoigner tout ton respect. Et on va te dire pourquoi ! Primo, les gonzes sont là pour épargner quelques sueurs froides à ton banquier. Entre ta collection de vinyles et ta consommation de whisky, faut dire que ça dépense sec ! Alors, si tu peux épargner sur le prix des places des concerts ! Là où certaines légendes de rock te feraient éhontément cracher au bassinet contre quelques heures de live, le tribute band te permet de brailler les mêmes refrains à moindre frais ! De la mélodie de haute volée moins chère que l’originale, il est là le vrai prix des bonnes choses ! Alors si tu peux claquer tout le budget du soir à la buvette plutôt qu’en ticket d’entrée, que demande le peuple ? Pis secondo, s’agirait de poser maintenant l’argument esthétique. Faut le reconnaître, tes groupes favoris ne sont plus de première fraîcheur. Un peu décrépis, bien usés par les excès et carrément blasés par une vie de show-biz, ça monte sur scène en mode automatique pour ramasser le chèque et tant pis si ça confond le pied de micro avec un déambulateur. Alors que le tribute ! C’est jeune, c’est chevelu, c’est galbé. Porté par un feu sacré encore intact ! Ça va te délivrer de la prestation live comme en a plus pondu le groupe original depuis belle lurette ! Les gars veulent rivaliser avec les concerts d’anthologie de leurs idoles et se la donnent pour ça ! Pour sûr, y aura là de quoi se caresser les esgourdes et se rincer l’œil en même temps. Et enfin tertio, parachevons notre argumentaire avec un brin de morale et d’éthique. Car disons-le tout net, toutes tes idoles de jeunesse sont en train de tomber une par une pour agressions sexuelles, racisme, violences ou autres cochoncetés et comme toi, t’es intègre, droit dans tes tiags, t’as décidé de boycotter illico, fini d’aller applaudir toute cette racaille. Un choix noble … mais qui te ronge quand même de l’intérieur. Pas de panique, les tribute bands sont ta solution. D’illustres inconnus au casier judiciaire vide (à vérifier tout de même) qui reprennent le répertoire de tes artistes favoris sans en reproduire les délits. V’là là une occasion inespérée de te déhancher sur tes titres préférés sans aucun dilemme moral. Merci qui ? Des raisons de chérir ces groupes « hommage », y en a donc à la pelle. Alors saisis la tienne (la raison, pas la pelle) et va vite crier ton amour à ces orchestres qui, qu’importe le tribute, ont fait leur l’adage philosophique « tonight i’m a rock’n’roll star ».

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