Interrockatoire : exercice punko-oulipien pour lequel nous convions des artistes hautement recommandables à répondre aux sujets de nos chroniques d’interrockations. Aujourd’hui, c’est Electric Jaguar Baby qui se prête au jeu de nos élucubrations interviewesques.
C’est entre chien et loup que se meut le jaguar. Entre ombre et lumière. Dans ce Clair-Obscur qui donne son titre au 3ème album du duo parisien. Un album que l’on sait d’emblée conçu pour les longues cavalcades asphaltées à travers le désert. Pilotes de trottinettes, veuillez passer votre chemin. Electric Jaguar Baby est un rouleau compresseur. Du genre qui ne prend pas de retard à l’allumage. En témoignent les premières secondes de cet Heroine introductif où, après l’avertissement d’une batterie quasi militaire, survient la première explosion. Boum Bada Doom ! La messe noire peut débuter, accompagnée ici de l’éructeur en chef d’Acid Mammoth, venu ici prêter la voix et participer aux incantations. Les hostilités sont désormais lancées et nul ne saurait arrêter le félin en pleine course. La force de cet opus est de ne jamais décélérer et de maintenir une intensité constante tout au long des douze titres qui le constituent. Seuls les chemins pour y parvenir varient : le fracas psyché de Stray from the path, le garage ensauvagé de My Way, le groove désertique AOP de The Fastest Ride, la méditation musclée d’Anything, l’incursion grungesque de Hownow ou encore le bouquet final de Rock’n’Roll Queen en reprise dopée à la fuzz. Enregistré live, Clair-Obscur est un déluge sonique que l’on devine encore plus démentiel aux abords d’un moshpit. C’est là que rôde le jaguar, dans son habitat naturel scénique. Alors, gare à ceux qui oseront s’en approcher ; le félin ne semble pas encore repu.
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À quoi bon enregistrer un second album ?
Ça ne sert à rien, c’est juste pour le fun. Ça sert uniquement à faire des nouveaux concerts avec des nouvelles chansons. D’ailleurs, c’est pour ça qu’on a sorti notre 3° album ce 5 septembre !
Que siroter en écoutant une piña colada ?
Clair-Obscur, le nouvel album d’Electric Jaguar Baby bien sûr ! Vous pouvez le boire, vous l’injecter ou le fumer mais Electric Jaguar Baby décline toute responsabilité dans l’utilisation que vous en faites.
Le Dry January est-il une pratique rock’n’roll ?
C’est un truc qui se fait en région parisienne ça, non ? Pas chez moi. C’est peut-être utile pour les gens qui boivent quotidiennement. Moi, je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai bu donc je bois quand je veux.
Doit-on abandonner la lutte écologique aux fans de reggae ?
C’est l’affaire de chacun ! Maintenant, on n’a plus le choix, il faut faire des efforts au quotidien. D’ailleurs je remercie ici les fans de reggae d’avoir oublié de se servir de leurs salles de bain, ils ont sauvé des millions de litres d’eau douce : bravo les dreadeux.
Le Monde d’Après se fera-t-il sans festivals ?
Non, il en faudra toujours pour faire bouger les gens et débiter des piscines olympiques de bières ; les fabricants en ont besoin. Le fond ne changera pas mais la forme, oui. On ira sûrement voir des groupes qui n’existent pas en projection 3D, avec des chansons faites par ordinateur.
Les rock stars survivront-elles au soulèvement des machines ?
Malheureusement non; il n’y aura plus de stars et plus généralement, l’art va en prendre un sérieux coup. L’IA va changer les modes de consommation et de pensée…. d’ailleurs c’est peut-être déjà une IA qui vous répond.…
A-t-on encore réellement besoin des rock critics ?
Oui bien sûr ! Et il faut laisser Philippe Manoeuvre tranquille, il ne reste plus que lui. Certains le trouvent énervant mais je l’aime bien, il ne manque jamais d’enthousiasme pour parler de vieux trucs dont on se contrefout vraiment. Je pense qu’on va le perdre quand les Rolling Stones vont passer l’arme à gauche, après il n’aura plus rien à dire et ce sera dommage.
Le rock à papa vit-il ses dernières heures ?
Non et heureusement, il faut que ça dure. Le rock à papa, ça fait partie du grand truc rock; il y aura toujours des vieux pour faire un twist ou un madison dans les thés dansants.
La réforme des retraites est-elle une menace pour la relève du rock’n’roll ?
Dans le rock’n’roll, pas de retraite ! Y a plus d’argent comme avant et c’est pas un métier; c’est un mode de vie.
49.3 est-il le nouveau 666 ?
49.3 c’est encore plus « fuck off » que 666 ! 49.3 c’est passage en force alors que 666 c’est du folklore satanique sur des T-shirts.
Les Hard Rock Cafés seront-ils épargnés lors du Grand Soir ?
Non. D’ailleurs, je me souviens avoir mangé un hamburger hors de prix en face d’une guitare de Bruce Springsteen ; ben j’en avais vraiment rien à foutre.
La place du punk est-elle au musée ?
Déjà, qu’est-ce que le punk?….. Chacun a sa version en fait. Mais le fait qu’on en fasse des musées maintenant c’est assez fun. Il y a beaucoup de musées de tout et n’importe quoi, alors s’il y en a sur le punk c’est très bien. Et ça aura plus de gueule qu’un hard rock café.
L’Eurovision est-elle plus démoniaque que le Hellfest ?
Oui, le Hellfest c’est pour monsieur et madame tout le monde et c’est très bien comme ça. L’Eurovision, ils n’ont que des fans hardcore et la programmation chaque année est délirante, par manque d’idées ou par abus de substances illicites… je ne sais pas.
Qui pourra s’opposer au retour du néo-métal ?
Rien ne pourra arrêter le néo-métal. On les pourrit depuis 15 ans, on a revendu ou donné tous nos vieux CD, transformé nos vieux t-shirts XXL en chiffons…. On a aussi nié les avoir kiffés, et pourtant on vieillit et on finit tous par se retrouver devant le concert de Korn au Hellfest: à chanter ou beugler tous les titres pendant presque 2 heures (le soir de notre concert là-bas à la Purple House) !
Le rock, c’était mieux ailleurs ?
Oui, aux USA ou en Angleterre, il y a une culture forte, ça vient de là-bas. Mais même en France, on peut donner notre version du truc et prendre du plaisir.
Déclin de la langue française, la faute à Elvis ?
Oui, avant ce foutu King, en France, c’était Édith Piaf et Charles Trenet; ils avaient des modes de vie rock’n’roll mais niveau musique, ça envoyait pas assez. Donc l’autre, à Memphis, avec Chuck Berry et toute la bande, ils ont inventé le rock. Et l’anglais ça reste la langue qui swingue le mieux; le français c’est beau mais beaucoup trop poétique et sérieux. Mais il ne faut jamais dire jamais, on fera peut-être un essai dans la langue de Molière pour le prochain album.

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