Alors, ce MaMA 2025 ?

Le MaMA (ou MarchĂ© des Musiques Actuelles), c’est LE rendez-vous incontournable des professionnels de l’industrie musicale. À la mi-octobre, Ă  Paname, avec Pigalle comme théùtre des festivitĂ©s. Trois jours de rencontres, de showcases, de confĂ©rences et de musique live pour se remplir le carnet d’adresses ou pour se gaver de concerts des futurs reustas de demain. On Ă©tait prĂ©sent Ă  cette 16Ăšme Ă©dition et plutĂŽt que de vous livrer nos impressions sous forme d’un monotone live report jour par jour, on a plutĂŽt optĂ© pour une iconoclaste et fictionnelle auto-interview. Let’s go.

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Comment vous est venue l’envie de participer au MaMA ?

Les Interrockations : Oh, c’est assez simple. L’an dernier, nous avons interviewĂ© MADAM quelques semaines aprĂšs qu’elles ont jouĂ© au MaMA. Nous n’en avions jamais entendu parler (du MaMA, pas de MADAM), elles nous en ont expliquĂ© le principe, qui, disons-le tout net, nous en a fait frĂ©tiller la moustache d’excitation. Puis, de fil en aiguille, en activant nos relations dans le show-biz, il nous a Ă©tĂ© possible de dĂ©crocher la sacro-sainte accrĂ©ditation pour l’évĂ©nement.

Comment se prĂ©pare un tel Ă©vĂ©nement ?

C’est sĂ»r qu’il y a un peu de prĂ©pa’, on ne monte pas Ă  la capitale la fleur au fusil. Pas question de partir en dilettante. Le programme est tellement dense qu’on s’y noierait Ă  ne vouloir que papillonner au grĂ© des envies. Toute cette histoire a bien demandĂ© quelques heures d’écoutes et de recherches pour arriver Ă  un petit planning de derriĂšre les fagots mĂȘlant confĂ©rences aux intitulĂ©s aussi excitants qu’une grille des programmes chez ARTE (passĂ©s 30 ans, cette phrase est malheureusement Ă  prendre au 1er degrĂ©) et concerts que l’on prĂ©dit candidats Ă  de futurs souvenirs mĂ©morables.

Et alors, concerts mĂ©morables y a-t-il eu ?

Ah ça oui, on s’en est mis plein les esgourdes ! Toutes ces heures de recherches sonores prĂ©alables ne furent pas vaines. Deux concerts Ă  la Boule Noire nous viennent immĂ©diatement en tĂȘte. Le rap de 22Carbone nous avait fait de l’Ɠil sur la programmation mais s’est rĂ©vĂ©lĂ© encore plus marquant sur scĂšne ! Grosse gratte trash metal pour accompagner un flow rap aussi musclĂ© qu’un raclement de gorge de James Hetfield : mĂ©lange des genres explosif, performance de haute volĂ©e ; le trio marseillais a retournĂ© le public parisien. Belle claque ! L’avant-veille, le set de The Ninety2 nous avait dĂ©jĂ  bien secouĂ©. Des visuels entre Tron et les meilleurs graphismes de ta bonne vieille Super Nintendo, un son oscillant entre indie rock, groove, synthwave et french touch et cette apparition miraculeuse de Craig Walker, ex-chanteur d’Archive, pour une reprise Ă©pique du lĂ©gendaire Fuck U. N’en jetez pas plus, on a tutoyĂ© les anges !

D’autres dĂ©couvertes impromptues ont-elles Ă©gayĂ© votre sĂ©jour ?

Oui et c’est lĂ  toute la beautĂ© du MaMA. Pigalle en gĂ©olocalisation. Terre de perdition pour les uns, eldorado de la flĂąnerie pour d’autres. Entre chien et loup, quand l’ivresse commence Ă  vous caresser, on se laisse porter de salle mythique en salle mythique, au grĂ© des rencontres. Et c’est comme ça que l’on ouvre inopinĂ©ment les portes des Trois Baudets pour dĂ©couvrir l’univers de Savanah. Une dream pop Ă©thĂ©rĂ©e aux accents lynchĂ©ens qui n’auraient pas pu trouver plus bel Ă©crin que la cĂ©lĂšbre salle parisienne comme rĂ©miniscence Ă  cet instant prĂ©cis du Club Silencio de Mulholland Drive. Certaines des mĂ©lodies susurrĂ©es ce soir lĂ  nous obsĂšdent encore plusieurs semaines aprĂšs.

Y a-t-il eu quelques flops aussi ?

Immanquablement, tout ne fĂ»t pas Ă  notre goĂ»t. Il nous est arrivĂ© de tomber par accident sur des concerts de r’n’b autotunĂ© ; le genre de musique qui serait probablement utilisĂ© par nos geĂŽliers Ă  Guantanamo pour nous faire avouer des crimes que nous n’aurions pas commis. Mais l’avantage du MaMA, c’est que la plupart des concerts se dĂ©roulent dans des salles de lĂ©gende comme La Cigale. À dĂ©faut de s’intĂ©resser Ă  ce qui se passe sur scĂšne, on peut se consoler en admirant moulures, balcons et autres merveilles architecturales de l’époque. C’est un p’tit tip que nous avait filĂ© StĂ©phane Bern durant l’enterrement de la Reine Elizabeth.

Vous parliez tout Ă  l’heure de tout un programme de confĂ©rences Ă©galement ?

On pourrait mĂȘme dire qu’il s’agit lĂ  du gros des festivitĂ©s pour des journalistes socio-rockologues de notre trempe ! 10h-18h Ă  gratter des notes et tant pis si quelques canouches sirotĂ©es tardivement la veille viennent parfois Ă  nous faire regretter ce dĂ©vouement scolastique. En mĂȘme temps, quelle joie de fouler les scĂšnes du Trianon ou de l’ElysĂ©e Montmartre (Ă  dĂ©faut de les fouler un jour en tant que musicien, soyons rĂ©alistes) pour assister Ă  des Ă©changes de premier ordre. Pour notre part, nous nous Ă©tions concoctĂ© un programme avec pour grand axe les enjeux politiques et sociĂ©taux de l’industrie de la musique. Jugez par vous-mĂȘmes quelques uns de ces intitulĂ©s aux petits oignons : « Chante, joue et tais toi ?! A l’aube d’échĂ©ances dĂ©mocratiques majeures, oĂč est la parole des artistes ? Â», « Les musiques actuelles au dĂ©fi des Ă©lections municipales : quels enjeux pour la filiĂšre ? Â» ou bien encore « Culture : le grand bond en arriĂšre ? Â». Aguichant, non ?

Qu’est-il ressorti de tous ces Ă©changes ?

Des constats assez sombres, on ne va pas se mentir. Ce qui est en principalement ressorti, c’est que parler de la culture aujourd’hui, c’est forcĂ©ment Ă©voquer les dangers que reprĂ©sentent l’avĂšnement de l’IA, les changements climatiques et principalement la montĂ©e de l’extrĂȘme-droite. Le panel des intervenants est assez unanime lĂ -dessus : qu’ils soient français, slovaques ou britanniques, qu’ils soient dĂ©putĂ©s europĂ©ens, artistes, journalistes ou gĂ©rants de label. La culture est l’une des premiĂšres cibles lors de la montĂ©e des fascismes, qui ne cherchent pas tant Ă  la supprimer mais Ă  se l’approprier pour en faire une arme de propagande. Pour tout vous dire, on a mĂȘme appris que c’est la Hongrie de Viktor Orban qui reprĂ©sente le plus gros budget culturel d’Europe ! Les fascistes cherchent Ă  imposer leurs valeurs dans la sociĂ©tĂ© et cela passe par la destruction de la culture comme valeur d’émancipation telle que nous l’avons toujours connue. D’oĂč la nĂ©cessitĂ© de bataille culturelle Ă  mener ; un terme qui s’est imposĂ© rĂ©guliĂšrement dans chacun des dĂ©bats auxquels nous avons assistĂ©.

Comment les musiciens peuvent-ils mener cette bataille ?

Tout au long des diffĂ©rentes confĂ©rences, plusieurs embryons de dĂ©buts de semblants de balbutiements de pistes ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s :

– s’inspirer des arts de la rue qui, eux, ont Ă©tĂ© structurĂ©s et politisĂ©s dĂšs leur crĂ©ation Ă  la fin des annĂ©es 60 et qui ont su faire de la rue un espace de crĂ©ation et de revendication tout en menant une quĂȘte de lĂ©gitimitĂ© auprĂšs des institutions (regroupement des compagnies pour mieux s’organiser, crĂ©ation de fĂ©dĂ©rations rĂ©gionales, rĂ©daction de manifestes, dialogues avec les services publics).

– en partant du constat que les musiciens sont peu reprĂ©sentĂ©s dans la structuration de l’industrie musicale, souligner le fait que les artistes ont besoin de se rapprocher, de se fĂ©dĂ©rer entre eux, de partager leurs connaissances, de connaĂźtre leurs droits. Il devient impĂ©rieux de mettre son Ă©nergie dans le collectif, de contacter des structures existantes comme la GAM (Guilde des Artistes de la Musique) ou des syndicats comme la CGT Spectacle.

– crĂ©er un rĂ©seau d’artistes prĂȘts Ă  se dĂ©placer ensemble et Ă  crĂ©er de l’action culturelle dans les villes oĂč ils s’arrĂȘteraient, non pas pour un concert d’un soir, mais pour des rĂ©sidences de plusieurs jours afin de tisser des liens et entamer des dialogues plus profonds avec le public, avec des personnes d’idĂ©es contraires.

– inverser le paradigme : ne plus parler de personnes engagĂ©es mais plutĂŽt de personnes dĂ©sengagĂ©es. Rappeler qu’il n’y a rien de politique Ă  parler de son quotidien. Chacun a son mot Ă  dire sur le monde dans lequel il vit.

– remettre la culture au centre des dĂ©bats politiques et rappeler son importance aux communes Ă  l’orĂ©e des municipales. Montrer ce qu’il advient des salles de spectacles quand le RN s’empare des mairies (théùtre murĂ© par Bruno MĂ©gret, festival de journalisme chahutĂ© par Louis Aliot). Cela passe par une politisation revendiquĂ©e de la situation culturelle.

– remettre en question les formes de cultures proposĂ©es pour ne pas stigmatiser les cultures populaires au dĂ©triment d’une culture s’apparentant Ă  celle d’une gauche dite intellectuelle. Sous peine de conforter le RN dans son rĂ©cit d’une hĂ©gĂ©monie culturelle de gauche depuis des dĂ©cennies qu’il serait temps de remplacer.

– crĂ©er un Ă©lan d’activisme crĂ©atif. S’unir pour rĂ©sister dans de grandes manifs artistiques et ainsi mobiliser le public sur les sujets importants. Lier fĂȘte et musique politique comme le faisaient le punk, le reggae ou le rock des sixties.

Il subsiste donc quelques motifs d’espoir ?

Oui, fort heureusement ! On a assistĂ© Ă  une confĂ©rence relativement feel-good, intitulĂ© « Les festivals de musique comme moteurs de changement Â» oĂč Ă©taient conviĂ©s les directeurs et directrices de la FĂȘte de l’HumanitĂ©, du Sziget Festival (en Hongrie) et du Roskilde (au Danemark) ; soit les Avengers du festoche militant. D’immenses Ă©vĂ©nements culturels qui restent respectivement prĂ©curseurs dans les combats anti-fascistes, pro-LGBT et fĂ©ministes dans leur propre pays et de par les combats menĂ©s Ă  chaque Ă©dition. Il a Ă©tĂ© rappelĂ© le pouvoir fĂ©dĂ©rateur de la musique et le sens d’appartenance qu’il procure Ă  la jeunesse. Les festivals sont donc des occasions parfaites d’atteindre des personnes peu conscientisĂ©es sur certains sujets, de promouvoir des valeurs de tolĂ©rance et de libertĂ©, de dĂ©velopper l’éducation populaire. Comme le souhaitait l’utopie festivaliĂšre originel des 60’s, il faut pouvoir repartir d’un festival avec une graine d’espoir, avec le sentiment de pouvoir changer les choses une fois de retour Ă  la maison.

Et puis, on a aussi assistĂ© Ă  deux CosyLab, des formats Ă  la cool, assis sur des canap’ ou au sol, façon joueurs de djembĂ©s et fumeurs de chanvre oĂč tout un chacun peut prendre la parole. Les thĂ©matiques ? « Activisme et musique – comment la musique aide-t-elle Ă  rĂ©sister Â» et « Imaginaires et futurs dĂ©sirables dans la musique Â». L’occasion d’écouter un peu les initiatives des festivaliers du MaMA au quotidien pour rendre ce bas-monde meilleur. Y avait mĂȘme le chanteur de ShakaPonk qui intervenait dans ces dĂ©bats-lĂ . Et si c’est peu dire que sa musique ne nous a jamais fait papillonner le bas-ventre, il faut bien admettre que le gars est carrĂ©. ArrĂȘter son groupe par prĂ©occupations environnementales sans que ça ne soit une pose et puis surtout re-rĂ©flĂ©chir de fond en comble les diffĂ©rentes strates de l’industrie musicale pour en rĂ©duire l’impact Ă©cologique (jusqu’au savon utilisĂ© dans les SMAC, vindidiou), nous on dit respect ! Bon, on ira pas jusqu’à vouloir réécouter My name is Stain mais quand mĂȘme !

Un petit mot pour résumer ces trois jours de MaMA et pour conclure cet entretien fictif ?

Sémillant.

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