L’interrockatoire, vous le connaissez. C’est cette création maison, cet exercice punko-oulipien, où nous invitons des artistes hautement recommandables à répondre à nos sujets d’interrockations. Aujourd’hui, nous avons décidé de pousser les potards dans leurs retranchements. Plus hauts, plus forts, plus déglingués. Ce ne sont pas moins de 8 artistes différents que nous avions conviés pour ce que certains historiens appellent déjà l’Interview du Siècle. 8 artistes convoqués fictivement. Un collage de réponses qui n’auraient jamais dû se croiser. Dialogues imaginaires dans une salle commune fantasmée. Répondre aux mêmes questions sans le savoir, confronter les points de vue sans même se concerter. Dialectique fantasmagorique. Le résultat ? Un entretien fleuve, un patchwork foutraque, une collision d’opinions, une embardée rockologique. Des confessions, des punchlines et notre mantra originel respecté : fausses questions pour vraies tranches de rock’n’roll !
Dans cet interrockatoire, vous retrouverez : le dandysme rock de Marek Zerba, le road trip musico-louisianesque de Mazingo, les indie-prodiges britanniques de The Jacques, l’élégance pixisienne de Gaz Newton, l’infatigable touche-à-tout Tip Stevens, le duo blueso-dépotant One Rusty Band, le raffinement pop de Nicolas Veroncastel et les riffs fièvro-imparables de The Twin Souls.
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Déclin de langue française, la faute à Elvis ?
Nicolas Veroncastel : non, c’est la faute des français. Personne ne nous oblige à parler comme Elvis.
Marek Zerba : Roméo Elvis ? Il est belge non ? « Ça parle flamand, Didier ».
One Rusty Band : la faute aux dyslexiques, comme Greg, notre chanteur, qui arrive mieux à chanter en anglais qu’en français.
Gaz Newton : no way ! Vive le rock en anglais ! Faire du rock en français est réservé à quelques surdoués, perso je préfère m’abstiendre.
La réforme des retraites est-elle une menace pour la relève du rock’n’roll ?
Marek Zerba : non, la menace, c’est Goldman, Cabrel et Johnny qui squattent toujours les ondes (même la mort n’y fait rien).
Le rock à papa vit-il ses dernières heures ?
The Jacques : non, le business est en plein essor.
Tip Stevens : cette image cliché du rock à papa, perso ça ne me vend pas du tout du rêve. Peu importe le style, je pense que c’est juste toujours un peu malaisant de voir des gens s’accrocher coûte que coûte à une époque passée.
One Rusty Band : il a encore de beaux jours devant lui, sur nos platines vinyles et dans les maisons de retraite où, on l’espère, les lumbagos mettront fin à leur harcèlement et blagues gênantes. Ce qui est super, c’est que bientôt les pensionnaires pourront organiser des jams avec les punks et prendre de la drogue sans craindre la police.
Brexit : une bénédiction pour les mélomanes anglais ?
The Jacques : absolument pas ! On n’en a tiré aucun profit. Il est plus dur que jamais de vivre de sa musique, il y a de moins en moins de musiciens venant d’horizons différents et en plus de cela, notre gouvernement n’a aucune estime pour la culture. Fuck le nationalisme !
Esprit de Noël et Musique du Diable font-ils bon ménage ?
Marek Zerba : ça fait depuis Elvis qu’il y a pas eu d’album de Noël rock, non ? En tout cas, moi j’ai sorti une chanson qui s’appelle « Le Père Noël s’est tiré une balle dans le cul ».
Tip Stevens : On va partir sur une bonne unpopular opinion de mon côté « ambiance de Noël = envie de crever » En toute simplicité. Du coup, j’aurais tendance à dire que c’est même plutôt raccord !
Pourquoi faut-il boycotter le 50ème anniversaire de Dark Side of the Moon ?
The Jacques : qui en a encore quelque chose à foutre de Pink Floyd ? Le prog rock, c’est pour les gros cons !
Beatles ou Stones : faut-il vraiment choisir ?
The Jacques : oui, il faut choisir de passer à autre chose.
Tip Stevens : non, c’est pas obligé. Après s’il faut vraiment choisir, les Beatles c’est quand même vraiment largement AU-DESSUS. Mais encore une fois, c’est vraiment s’il faut choisir, hein.
The Twin Souls : non, il faut arrêter avec ça ! Le combat n’est pas équilibré de toute façon !
Nicolas Veroncastel : non. Beatles pour la créativité en studio, les Stones pour leurs performances en live.
Gaz Newton : ben oui, il suffit de choisir les Beatles, c’est pas compliqué !
One Rusty Band : on s’en bat les couettes et les couplets ! C’est bizarre cette manie qu’ont les humains à tout comparer et à tout mettre en compétition, même des trucs qui ne devraient pas l’être. Vive les Beatles, vive les Stones, vive la musique, vive le blues, vive le rock’n’roll !
Le Dry January est-il une pratique rock’n’roll ?
Mazingo : si on veut mourir sur scène, bof. Mais ça reste un défi sympa. Cela étant, la réalité n’est pas toujours si belle une fois sobre.
Nicolas Veroncastel : absolument pas mais je reconnais l’avoir tenté cette année (en février, c’est moins long).
Gaz Newton : Georges Best a dit : « en 1969 j’ai arrêté (les femmes et) l’alcool, ça a été les 20 minutes les plus dures de ma vie ».
Quelle playlist pour briser efficacement votre couple ?
The Twin Souls : faut-il vraiment voir les choses comme ça ? Ne peut-on pas rester ouvert d’esprit ? Et sinon, pourquoi Jean-Jacques Goldman ?
Marek Zerba : You’re Beautiful de James Blunt, Your Song d’Elton John, Hymne à l’amour version Céline Dion, Je te donne de Goldman et Aimer de la comédie musicale Roméo et Juliette.
Nicolas Veroncastel : les musiques « urbaines » (je n’ai jamais compris le sens de ce terme) usant de l’autotune à outrance ou toutes ces nouveautés françaises hautement « mainstreams » sans âme, à l’eau de rose. La liste serait trop longue et risquerait d’être fatale à mon couple.
Les Hard Rock Cafés seront-ils épargnés lors du Grand Soir ?
Marek Zerba : pourquoi le seraient-ils ?
La place du punk est-elle au musée ?
Gaz Newton : le post-punk pousse dans ce sens mais je préfère encore écouter du punk à la Poste.
One Rusty Band : comme on le disait plus haut, bientôt dans les maisons de retraite ! Et en même temps, vu le contexte actuel, il n’y a pas meilleur slogan que « No future ». Tant qu’il y aura des politiciens pour mettre le feu au monde, le punk aura de belles années devant lui.
Les rock stars survivront-elles au soulèvement des machines ?
The Twin Souls : les rock stars sont des machines ! En tous cas, le contraire n’a pas encore été prouvé !
L’Eurovision est-elle plus démoniaque que le Hellfest ?
The Jacques : les deux sont de la merde !
The Twin Souls : c’est pareil, non ? Ceci dit, on nous a proposé de faire l’Eurovision mais nous avons refusé. En revanche, nous n’avons pas encore eu de proposition du Hellfest.
Le Monde d’Après se fera-t-il sans festivals ?
Marek Zerba : devant un écran avec 30 000 personnes ou devant un écran chez soi, quelle est la différence ?
One Rusty Band : plutôt avec des festivals à taille plus humaine, locaux et à plus petites jauges. On pourrait même imaginer des festivals itinérants avec une même programmation qui bouge d’un endroit à un autre pour aller vers les gens. On s’est rendu compte que ce qui pollue le plus c’est le fait qu’énormément de personnes fassent le déplacement pour un seul et même évènement. Donc là, ça permettrait de ne pas faire (ou peu) se déplacer les foules et de rendre la culture plus accessible. En plus, plus de queue aux toilettes et pas besoin d’écrans pour voir ce qui se passe sur la scène.
Que siroter en écoutant une piña colada ?
Mazingo : le prochain album de Mazingo pour sûr (le 3ème donc, dont la sortie est prévue à l’automne 2026). Et en attendant, Harry Nilson saura vous faire patienter.
Marek Zerba : Where No Eagles Fly des Voidz.
Gaz Newton : Summer Ends des Raveonnettes. Cette saturation sonore m’évoque la saturation lumineuse du soleil sur la mer.
Peut-on décemment assister à un concert de cold wave en tongs / bermuda ?
Mazingo : si on est Danois ou Irlandais, oui !
Le rock peut-il être apolitique ?
The Jacques : la plupart des musiques rock sont apolitiques.
Tip Stevens : c’est clairement mon cas, par exemple. Je sais que je n’aime pas que mes opinions soient trop visibles dans mes musiques. Je comprends que certains le voient comme un moyen de faire passer un message mais perso c’est vraiment un endroit sanctuaire que j’essaye de garder à part. Le plus loin possible de tout ce qui va diviser. Je veux juste que les gens passent un bon moment, que ma musique ne soit pas un prétexte pour se replonger dans un climat anxiogène. Et pour le coup, je trouve que le rock ou d’autres styles ne sont pas spécialement plus propices que d’autres à être engagés.
The Twin Souls : le rock est un moyen d’expression, un truc libre. Tu peux parler de ce que tu veux, engagé ou pas, mais tu n’es pas obligé de faire de ton groupe un parti politique.
Nicolas Veroncastel : bien sur ! Très souvent, le rock, quand il est prosélyte ou militant, est assez médiocre ou convenu. Alice Cooper disait « parle nous de ta copine qui t’a largué plutôt que des problèmes d’environnement ». Mais finalement, ne pas parler de politique, c’est aussi politique.
One Rusty Band : si on connaît ses origines, le rock, qui a été créé par des femmes et hommes afro-américain.es dans une société raciste (Sister Rosetta Tharpe, Big Mama Thornton, Chuck Berry) est de par sa nature et son histoire forcément engagé.
Mazingo : après le greenwashing, le rockwashing est-il possible ? On aimerait ne pas y croire.
Quelle rock star sommeille en vous ?
Marek Zerba : je ne suis pas narcoleptique.
Mazingo : Antonio Banderas dans Desperado.
Nicolas Veroncastel : ce n’est pas forcément une rock star mais des personnalités du monde de l’art (cinéma, musique, littérature, presse satirique, peinture, etc) qui m’inspirent. Je pense à Lynch, Eastwood, Gainsbourg, Bukowski, Choron, Dali… j’aime ce coté provocateur, rebelle que j’ai au plus profond de mon âme. Sinon actuellement, je dirais Liam Gallagher, une des dernières rock star, j’aime son authenticité et ses punchlines. Ça tranche avec le conformisme ambiant de l’époque.
Gaz Newton : Alf !

À quoi bon enregistrer un second album ?
The Jacques : à quoi bon faire quoi que ce soit ?
Mazingo : pour pouvoir enfin passer au 3ème !
Marek Zerba : Akoibon est la première chanson de mon deuxième album.
Nicolas Veroncastel : souvent parce que le 1er n’a pas marché ou exceptionnellement l’inverse parce qu’il a très bien marché.
Tip Stevens : alors, de mon côté, je ne sors que des EPs. J’en suis bientôt à mon 10ème. Du coup, j’aurais même tendance à poser la question : à quoi bon enregistrer un premier album ?
One Rusty Band : car, dans cette société productiviste, il faut de la nouveauté tout le temps ! Pour nous, un album est avant tout une carte de visite afin de pouvoir jouer de la musique live, pouvoir dire, « hey on est vivant.es, ça vous dit de nous programmer ? ». Après, ce qui est génial avec l’enregistrement d’un nouvel album, c’est d’imaginer comment les gens vont l’écouter : en conduisant, en pratiquant du sport, en jonglant avec les cuillères dans la cuisine, en sautant sur leur canapé ou en se coupant les ongles des orteils !
Bon alors, ça donne quoi le monde sans Shane MacGowan ?
The Jacques : carrément pire !
Tip Stevens : de mon côté, je le vis plutôt bien, j’ai l’impression que ma vie a su rester sensiblement la même. Mon quotidien a vraiment été très peu impacté. Après, le fait que je ne sache pas qui est ce mec doit beaucoup jouer dans l’équation.
Et si la Britpop sauvait le Proche-Orient ?
The Jacques : la Britpop n’a même pas pu sauver la Grande-Bretagne.
Nicolas Veroncastel : avec des si… Mais oui, envoyons Oasis et Blur pour voir. Qui ne tente rien…
À quand le #MeToo du rock ?
One Rusty Band : il serait temps ! Les gros relous sont bien présents et on a l’impression qu’être musicien ou programmateur donne un libre accès aux abus. En vrai, ça bouge, lentement mais ça bouge. Et ce, grâce à plus de parité sur les plateaux (autant du côté des artistes que de la technique), aux associations et aux organisations qui sont de plus en plus sensibles à ces questions.
Peut-on être rock’n’roll au travail ?
Marek Zerba : deux mots incompatibles, non ?
Gaz Newton : ça a été source de friction avec mon ancien patron, qui a fini par me remercier. Non, vraiment, ils sont pas cools aux pompes funèbres.
Pour ou contre le Air Guitar ?
The Twin Souls : POUR ! On a d’ailleurs fait un featuring sur scène avec un champion mondial de Air Guitar.
One Rusty Band : absolument pour ! Tout ce qui rend ridicules et heureu.ses devrait être encouragé.
Qui remporterait les J.O. du rock ?
Marek Zerba : Arielle Dombasle.
Quel vote pour le Peuple Rock ?
Marek Zerba : Arielle Dombasle.
Comment bien foirer sa saison des festivals ?
The Twin Souls : tu as fait une belle fin de mois, tu prends donc tes places pour les festivals les plus renommés de France les yeux fermés. Et là, tu te rends compte que c’est la même programmation partout, tous les jours.
Tip Stevens : la recette classique : 1 festival sur 2 sera de base annulé au dernier moment, ensuite il ne restera plus qu’à mal jouer pendant les 50% restants. Plutôt facile en fait.
Quelle playlist pour vos bitures estivales ?
Marek Zerba : Ouais ouais formidable ! de Charly Oleg/Professeur Choron et Wow de Kylie Minogue.
Gaz Newton : le générique de CampingParadis et celui des Mystères de l’Amour.
Les apprentis rockers doivent-ils passer par Parcoursup ?
Marek Zerba : « si tu veux faire la révolution, tu apprends d’abord à avoir un diplôme ».
The Twin Souls : ça peut paraître bête comme question mais, en ce moment, pour monter un groupe de musique, il vaut mieux avoir un diplôme de vente plutôt qu’un prix au conservatoire.
Gaz Newton : c’est en écoutant Nirvana et les Pixies que j’ai compris qu’on peut faire du rock sans avoir appris à jouer de la musique. Donc pas d’exam’ ni de sélection à l’entrée. C’est à la fin du parcours qu’on pourrait donner un award pour services rendus. Pareil pour le mariage d’ailleurs, on devrait le faire à la fin, pas au début.
Iggy Pop est-il une création des reptiliens ?
The Jacques : Iggy Pop est un dieu !
Marek Zerba : en tout cas, son maquillage s’écaille.
Le rock est-il toujours d’actualité ?
The Jacques : non mais il l’est pour moi.
The Twin Souls : bien sûr et il le sera toujours. Plus qu’un genre musical, c’est une identité sociale. Pour moi, il y a toujours ce petit côté subversif dans le rock, comme un chemin, sorti des sentiers battus qu’aurait pris un artiste, traçant tout à coup une nouvelle voie, ouvrant vers de nouvelles tendances.
Tip Stevens : plus que jamais ! De toute façon, il n’a jamais vraiment disparu du paysage, c’est toujours là en sous-marin. Tu le vois par exemple dans les influences de beaucoup de rappeurs, dans l’électro aussi. Cette énergie live, cette vibe rock, les gens y reviennent toujours !
Satan écoute-t-il du Mariah Carey à Noël ?
The Twin Souls : oui, très certainement en s’écriant « mouhahaha, ceci sera la bande son de l’hiver tous les ans et ce, jusqu’à la fin des temps ».
Pour ou contre les tribute bands ?
Nicolas Veroncastel : j’ai toujours eu une certaine phobie des tribute bands donc contre.
Tip Stevens : allez, sûrement une deuxième unpopular opinion mais ils me mettent un peu mal à l’aise. J’ai la même gêne que quand je vois des sosies de stars. De mon côté, ce sera donc un bon gros non !
The Jacques : pour ! Eux, au moins, sont honnêtes !
Faut-il mourir à 27 ans ?
Marek Zerba : c’est un peu tard, non ?
Nicolas Veroncastel : sans être mondialement connu, c’est inutile.
The Jacques : pour nous, ce navire a déjà levé l’ancre !
Tip Stevens : dans l’idée il faudrait, afin de devenir une vrai légende et accéder au panthéon… Mais de mon côté j’ai malheureusement raté le coche. Je vais devoir essayer de rester en bonne santé le plus longtemps possible pour profiter de la vie… c’est super moche…
À quand le best-of des Interrockations ?
Marek Zerba : c’est quoi ces questions de merde ? Vous voulez pas nous demander de décrire notre musique plutôt ?

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