XX – Que siroter en écoutant une piña colada ?

Ô mes amateurs de death métal en slip de bain, je vous l’annonce solennellement: hier au soir, j’ai eu une vision. Dans ces premières nuits moites d’été, m’est apparu un esprit touffu et pustuleux. Un ectoplasme lemmyesque s’adressant à moi en ces termes :

-« C’est donc toi le petit branl*** derrière les Interrockations ? Sache que ces inepties nous navrent, moi et les copains, jusque dans l’Au-Delà ».

– « Mais maître … ».

– « Silence, maraud ! Quand les dieux du rock’n’roll s’expriment, c’est rarement une invitation au dialogue. Ce n’est guère par plaisir que nous nous adressons à toi. Mais tous les autres rock critics étant en train de se la jouer reporter de terrain dans des festivals miteux, tu restes notre dernier espoir. Pourquoi ? Afin de combattre ce fléau estival qu’est la paresse rockologique, cet instant d’égarement où même nos plus éminents disciples troquent leur passion du rock’n’roll pour des amourettes latino-dancehall. S’il est de notoriété publique que le vin s’accorde avec le fromage et le Jack avec une ligne de speed, il t’incombe maintenant la mission de démontrer à l’humanité que même le plus frivole des cocktails mérite un accompagnement sonore digne de ce nom. Ainsi, nous avons sélectionné vingt-cinq sérénades parmi les plus furieuses / groovys / psychédéliques de ce premier semestre et les avons rassemblées dans une Sainte Playlist baptisée :

LA COMPIL’ INTERROCKATIONS SUMMER HITS 2023

Vois ça comme un bilan de mi-parcours, un best-of provisoire, une dégustation anticipée du millésime en cours ».

– « Monseigneur, cela ne risque-t-il pas d’empiéter son mon Top Album de fin d’année ? ».

– « L’insolent faquin ! Cela te fait surtout une chronique de plus, sans t’être trop foulé le neurone et qui te laissera encore davantage de temps (si cela est possible) pour te toucher la nouille cet été. Répands ces saintes sonorités à travers le monde et assure-toi d’en faire la bande-son de l’été. Si tu échoues, notre châtiment sera inévitable ; ta progéniture sera condamnée à arborer la tête de Phil Collins. Allez, auf wiedersehen! ».

Ainsi donc, j’exécutai la volonté des Dieux :

  • Let me ride par An Eagle In Your Mind

Voix hantée cherche sonorités chamaniques pour créer bande-son de road trip spirituel. Le folk-rock aux accents orientaux distillé par ce duo nomade se laisse apprivoiser sur Let Me Ride, porte d’entrée d’un album qui confine au voyage sonore, à une lumineuse introspection en sept titres.

  • Je veux plus par Barrio Colette

S’il est encore trop tôt pour décerner la palme du meilleur album de l’année, celle du plus écouté est d’ores-et-déjà attribuée à Rouge Rose des helvètes Barrio Colette. Douze titres à la fois chatoyants, graves, désinvoltes, pop, grunge, frais comme le rosé du matin. Ça parle d’amitié, de poils, de suicide, d’amitié, de voyage en van et encore d’amitié. N’importe lequel de ces douze titres aurait pu figurer dans notre compil’ mais le refrain de Je Veux Plus est certainement celui dont a mis le plus de temps à se défaire.

  • Menstrué.e Frustré.e par Chârogne

Ça démarre punk, ça finit jazzy, ça vient de Montréal et c’est certainement la chanson la plus groovy jamais écrite sur les menstruations.

  • Rockets par Clavicule

Clavicule nous avait laissé en 2020 complètement dévasté par le souffle de l’explosion de leur premier album Garage is Dead qui portait décidément bien mal son nom et qui leur avait valu de truster la première place de notre Top Album. La prouesse se reproduira-t-elle cette année? Ce qui est sûr, c’est qu’avec quelques moments de bravoure tel ce titre Rockets, la formation rennaise nous rappelle qu’elle compte parmi les meilleures actuellement dans l’Hexagone.

  • La Frairie par EPIQ

Qu’ont en commun un joueur de balafon, un amateur de dadaïsme et un batteur d’un groupe de stoner renommé (Mars Red Sky) ? À priori rien du tout, sauf s’ils décident d’officier ensemble au sein d’un trio instrumental d’afro world punk. Ça balance du gros riff aussi bien que des rythmes guinéens. C’est du métissage musical aussi improbable que réussi. C’est à écouter sur le morceau présenté ici et sur l’album Pas Bravo La Viande (en lice pour le meilleur nom d’album de l’année).

  • Pelea par Grande Amore

C’est certainement une très bonne chose que les Interrockations n’aient pas débuté en 2021. Nous aurions sans doute consacré chacune de nos chroniques au groupe galicien Grande Amore, à leur album du même nom et au titre Vamos Enchernos paru cette année-là. C’est peu dire que toute cette joyeuse clique nous a enjaillé à sa sortie. Avec trois singles parus en ce début d’année (dont ce merveilleux Pelea), il semblerait bien que la furieuse techno-pop de Grande Amore s’apprête à faire son retour.

  • Gilla Monster par King Gizzard and The Lizard Wizard

Il n’est pas toujours aisé de trouver les mots pour décrire l’émotion ressentie à l’écoute d’un morceau de rock. Pour celui-ci, nous dirons simplement qu’il nous donne envie de nous fracasser le crâne contre un mur. Par pure joie et allégresse rock’n’rollesque. Le King revient à ses amours trash metal pour notre plus grand plaisir. Ce passage eracté à 2 minutes 50 risque de nous faire longtemps pointer les tétons sur les plages de France et de Navarre cet été.

  • Offbeat par Krav Boca

Où le réside le punk ? Dans la répétition de quatre accords de guitares ou dans la verve et l’esprit ? On serait tenté de s’orienter vers la deuxième option dans le cas de Krav Boca. Le collectif cagoulé, oscillant habituellement entre mandoline et guitare métal, chant rappé en français et en grec, s’essaie ici à des sonorités plus électroniques sans rien perdre en noirceur et revendications. La bande-son de l’émeute !

  • Help Me I’m Gay par Lambrini Girls

Un titre provoc’ à souhait pour synthétiser l’esprit punkissime du trio féminin le plus enragé de Brighton. Une leçon de féminisme radical en mois de deux minutes trente. Une chanson PAS recommandée par Frédéric Beigbeder !

  • La Flemme par Les Clopes

Quand ils ne sont pas occupés à fumer des clopes dans un blockhaus noir parce qu’ils sont déprimés, Les Clopes composent des petites odes à l’oisiveté. Oblomov version dark wave.

  • Not Our War par Lionel Limiñana

Nos plus fidèles disciples auront remarqué que ce titre ornait déjà notre dernière playlist en date mais cette bombe krautrock (composée pour un docu’ sur Thatcher) ne pouvait pas ne pas figurer parmi notre sélection des meilleurs titres de l’année.

  • Dreadful Love par Liv Oddman

Et dans la catégorie Meilleur Espoir ! C’est peu dire que ce lyonnais de 21 ans risque d’être attendu au tournant après cet époustouflant EP regroupant ses premiers titres. Une voix aussi caverneuse qu’élégante qui s’exprime à merveille sur Dreadful Love, ritournelle façon crooner punk, qui restera assurément comme THE love song de l’été 2023.

  • Intimité par Marcel

La déferlante Post-Brexit New Wave n’aura su se contenter du Royaume-Uni. Marcel (sans son orchestre) sonne comme du Shame, du Squid ou du Yard Act mais nous vient directement du plat pays. Le titre Intimité a même l’audace de claquer un chant en français sur ces sonorités pourtant si british. Et ça marche ! On en regretterait presque que le reste de l’album soit chanté dans la langue de Thatcher. Ce n’est pas dans cette dernière qu’on pourrait fredonner « Et ça fait des gros gouzis gouzis gouzis gouzis » tout en sonnant punk.

  • Dead To The World par Noel Gallagher

À la sortie dudit single, le frangin Liam n’a pu s’empêcher de twitter : « comment un petit homme si mesquin a-t-il pu composer une si belle chanson ? ». Si nous ne avancerons pas sur la soi-disant méchanceté de l’aîné de la fratrie, nous confirmerons en effet qu’il s’agit là d’une de ces plus belles compositions, bande-son d’un film noir cosmique et qui pourrait sans débat aucun correspondre à la définition musicale du mot « mélancolie ».

  • Labrador par Ottis Coeur

La routine couple / marmots / clébards, très peu pour Ottis Coeur. Le duo féminin n’a besoin que de deux minutes quarante pour étriller les relations du vieux monde sur ce titre survitaminé qui rivalise aisément avec les meilleures ritournelles de Courtney Barnett.

  • Paganism par Rimojeki

Un single païen pour annoncer un album que l’on pressent coup de boule (à facettes) en fin d’année. Le duo berlino-israélien, adepte des paillettes et des rythmiques psy-transe, s’est fixé un objectif : réussir l’alliance psychédélique qu’attendent fiévreusement teufeurs et rockers.

  • Post Apocalypse par Samuel Cajal

« Comment vas-tu aujourd’hui mon amour en ce lundi post-apocalypse ? ». Ma foi fort bien à l’écoute d’un des titres pop les plus élégants et aériens de l’année. Un titre comme une invitation à la lévitation.

  • UK GRIM par Sleaford Mods

« In England nobody can hear your scream ». Certes mais ça n’empêche toujours pas le père Jason de beugler sa rage. Une instru’ lourde et crasseuse qui place ce titre parmi les tous meilleurs du duo de Nottingham.

  • Tiger Crane par Stupeflip (Stockholm Syndrome Productions Remix)

Ou comment transformer un des morceaux les plus faibles du pourtant excellent dernier album Stup Forever en pure bombe rap-métal où s’exprime toute la hargne du leader King Ju. Ce remix toutes guitares en avant sert d’écrin parfait à un des textes les plus politiques du Stup Crew.

  • Sick Day par Teen Mortgage

Bientôt quatre ans que le duo de Washington DC nous arrose d’EP et de singles de haute volée sans daigner vouloir notre offrir un premier album en bonne et due forme. Sick Day, petite déflagration punkasse dont ils ont le secret, sera-t-il le messianique single annonciateur de la galette tant attendue ?

  • Wicked Games par Tenacious D

Mais quand diable s’apercevra-ton que Jack Black est le chanteur le plus mésestimé de l’histoire du rock? Encore une démonstration de sa voix hors du commun sur cette reprise de Chris Isaak. Aussi belle que trop courte.

  • God Bless The USA par The Men

Nous avons cru comprendre que certaines personnes trouvaient que le rock c’était mieux avant. Et bien pour celles-ci, The Men a pondu un album rock’n’roll old school dont vous nous direz des nouvelles. Un petit aperçu avec ce titre aux connotations patriotiques qui évoquent un bordel digne des Stooges. À consommer de préférence à haut volume.

  • Paura par Vent Mauvais

Encore un titre déjà présent dans notre dernière playlist en date mais que voulez-vous, on n’abuse jamais assez des bonnes choses. Chantée dans la langue de Cantat, Paura évoque la peur instaurée par les médias, dans un rock aussi nerveux qu’engagé et qui n’est pas sans rappeler les grandes heures d’un fameux groupe français des années quatre-vingt-dix.

  • Mirage par Walter Astral

Mirage ou la rencontre de la pop psyché et de l’acid house. Petite pépite arabisante et onirique qui ne fait que confirmer tout le bien que l’on pense du duo depuis la découverte de leur EP Hyperdruide paru l’an dernier.

  • Brissou par Yolamif

Les rabat-joie qui continuent de croire que les musiques électroniques ne sont pas de la vraie musique car jouées sans vrais instruments devraient aller jeter une oreille du côté de chez Yolamif et de leur titre Brissou. Une section basse / batterie pour les rythmiques techno et une guitare pour les envolées psychés et voilà le mélange le plus joyeusement hybride de ce début d’année.

Une fois ce délicieux cocktail sonore savouré, n’hésitez pas à nous partager les titres qui vous ont émoustillé en ce début d’année.

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